3 romans LGBT+ à découvrir

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Le 17 mai, c’est la journée mondiale de lutte contre l’homophobie et la transphobie. Pour l’occasion je vous présente quelques romans dont les personnages principaux appartiennent aux communautés LGBT+. Alors évidemment, en trois livres je n’ai pas vocation à être inclusive, c’est pourquoi si vous souhaitez vous sensibiliser mieux sur la question je vous redirige sur la chaîne YouTube de Mx Cordelia et sur le blog Biblioqueer qui présentent énormément d’œuvres très variées !
Ah, et je n’en ai pas parlé ici car je vous bassine déjà assez avec, mais si vous ne l’avez pas encore lu : foncez sur L’Art de la Joie de Goliarda Sapienza, la vie d’une militante antifasciste bisexuelle dans l’Italie du début du XXsiècle.

Au programme : un court roman sur l’adolescence, une autobiographie et une saga familiale.


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Violette Leduc est une amie de Simone de Beauvoir à la vie incroyable qu’elle raconte dans la Bâtarde (que je n’ai pas encore lu, si quelqu’un veut me faire un cadeau), livre ayant fait scandale à l’époque, comme d’ailleurs Thérèse et Isabelle. Ce court texte, datant de 1954, a été censuré en 1966 pour n’être édité intégralement qu’en… 2000. Et pour cause : c’est un roman érotique lesbien, inspiré (de loin) de sa vie, qui traite de la découverte de l’amour et du plaisir par deux jeunes élèves d’un pensionnat.

Andréa était un joli quartier d’hiver. Ses yeux brillaient de froidure, la gelée fendait ses lèvres toujours gercées.
Je lui serrais la main, j’enfermais l’oxygène de la liberté.

Thérèse et Isabelle est un texte un peu paradoxal : poétique mais souvent cru, assez doux mais fiévreux. La plume de Violette Leduc est très belle et retranscrit cette passion amoureuse avec rage. Si le vocabulaire utilisé est un peu obsolète par moments, cela donne à l’écriture un côté presque hors du temps. C’est en plus accentué par la vitesse à laquelle il se lit ; le roman est peut-être un peu trop court pour être véritablement marquant, mais cela en fait une parenthèse littéraire plutôt atypique.

Je mets cependant l’accent sur son érotisme : ce n’est pas un roman d’amour mais bien un texte sur la sexualité et sa découverte, très loin d’une relation platonique. Si vous n’aimez pas les scènes sexuelles dans la littérature, fuyez !

Pour terminer sur un bémol, Thérèse et Isabelle est un peu inégal ; il est trop court pour laisser le temps de s’imprégner de l’histoire et de s’attacher aux personnages, mais comprend pourtant certains passages accessoires, dommage pour si peu de pages.
Cela reste pourtant un joli texte d’une autrice trop peu connue à la plume très poétique.


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J’ai terminé ce roman il y a quelques jours après avoir lorgné dessus depuis une bonne année dès que je le croisais en librairie. La couverture est super intrigante avec cette photo un peu gothique et le titre arc-en-ciel qui ressort. Il ne fallait plus que le sous-titre pour me convaincre que je devais lire cette autobiographie et bien m’en a pris, c’est un coup de cœur.

Alysia Abbott raconte son enfance et adolescence dans le milieu artistique San-Franciscain des années 70/80, puis ses années d’études à New-York et Paris. Elle parle avant tout de sa relation avec son père, Steve Abbott, poète bisexuel l’ayant élevé seul après la mort de sa mère jusqu’à son décès du sida.

Dans une lettre à ce dernier, papa fait part des difficultés que lui posent les problématiques liées à l’identité et l’écriture :

Existe-t-il une poésie gay ou une esthétique gay ? Est-ce que tout poème écrit par un poète gay est un poème gay (façonné par une certaine conscience non-hétéro unique), ou bien est-ce que ce sont seulement le sujet et le point de vue qui font qu’un poème est gay ?

C’est un texte très touchant et lumineux, qui décrit une relation père-fille superbe et émouvante, sans être enjolivée. Steve comme Alysia sont humains et imparfaits. Leur vie est rythmée par leurs incompréhensions mutuelles, leur égoïsme occasionnel, leurs maladresses, mais surtout par l’amour qu’ils se portent et qui est palpable. Certaines lettres retranscrites par Alysia sont incroyablement émouvantes, tout transpire l’affection dans les mots que son père lui adresse.

En dehors de cela, c’est aussi un roman sur la communauté homosexuelle et la manière dont une jeune fille peut s’épanouir et s’émanciper en son sein, alors que les attaques homophobes se répètent (entre l’assassinat d’Harvey Milk et l’interprétation du Sida comme « la punition de la nature » par les abrutis les conservateurs américains il y a de quoi faire). C’est un texte sur l’arrivée du SIDA et ses ravages (difficile de ne pas avoir le cœur qui se serre en lisant tout ça ; pour ma génération qui n’a rien connu de cette période, ça permet de réaliser à quel point elle a été dévastatrice), en partie à cause des conservateurs américains abrutis qui ont tout fait pour retarder ou interdire l’accès aux soins et les campagnes de prévention. Certains passages sont donc très durs, d’autant plus qu’on sait que le père d’Alysia succombera à la maladie.

Fairyland est une autobiographie passionnante sur la sphère artistique et queer de San Francisco, sur la poésie, sur les relations parent-enfant et la manière de grandir et de se construire dans un foyer atypique.


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Pour ce dernier livre je passe à un roman-fleuve lu et même dévoré il y a trois bonnes années, écrit par l’auteur de Virgin Suicides que vous connaissez peut-être pour son adaptation cinématographique par Sofia Coppola.

Cal est un homme de 40 ans né intersexe : par commodité, les médecins décident à la naissance de lui attribuer un sexe féminin. Le roman suit le héros à travers ses questionnements sur son identité de genre quand il est encore identifié comme une jeune fille et suit également sa famille, des années 20 aux années 70. Cal est en effet le fils d’immigrés grecs arrivés aux États-Unis après l’invasion des Turcs dans leur ville natale.

D’après une vieille légende chinoise, un jour de l’an 2640 av. J-C., la princesse Si Ling-chi était assise sous un mûrier quand un cocon de ver à soie tomba dans sa tasse de thé. Elle l’en retira, et remarqua que le cocon avait commencé à se défaire dans le liquide chaud. Elle tendit l’extrémité libre à sa servante et lui ordonna de s’en aller. La servante quitta la chambre de la princesse, sortit de la Cité interdite et fit un kilomètre dans la campagne avant que le cocon soit entièrement dévidé. (À l’Ouest, la légende devait se transformer lentement durant trois millénaires, jusqu’à devenir l’histoire d’un physicien et d’une pomme. Cependant, le sens est le même : les grandes découvertes, qu’elles fussent de la gravité ou de la soie, tombent toujours du ciel sur des gens qui paressent sous un arbre.)

Déjà, lire ce roman est un peu perturbant puisque avant d’entrer dans la vie de Cal on suit celle de ses grands-parents qui sont… frère et sœur. Alors certes, ils sont amoureux et consentants, mais cela reste de l’inceste, ce qui m’a fait ouvrir de grands yeux choqués devant les pages qui défilaient.

À part cela, le roman traite évidemment de la question de l’identité de genre et des abus médicaux envers les enfants intersexes. Cal est un personnage très intéressant à l’identité fluctuante, qu’il module parfois à l’aide des stéréotypes qu’il pense caractéristiques du féminin et du masculin. Sa remise en question progressive est le point fort du roman, au cours d’un cheminement assez crédible.

La réflexion est très grand public, le roman est foisonnant et passionnant, bourré de rebondissements (il m’a fait parfois penser aux livres de John Irving comme le Monde de Garp). Si vous aimez les grandes fresques familiales qui abordent certains sujets complexes ou tabous vous apprécierez sûrement !


Avez-vous déjà lu ces livres ?
Connaissez-vous d’autres textes abordant les sujets LGBT+ ?

14 réflexions sur “3 romans LGBT+ à découvrir

  1. J’adore ces livres Thérèse et Isabelle, est le premier livre de violette Leduc que j’ai lu, de un jolie édition trouver chez un bouquiniste, (bon c’est pas récent tout ça) ms j’aime bien cette écriture assez particulière. Un peu précieuse et en même temps direct. C’est une écriture assez violente (pas forcément celui-ci)
    Fairyland me faisait de l’oeil dès sa parution, ms j’ai attendu sa sortie en poché pour le dévorer. J’aime beaucoup cette histoire avec ce milieu littéraire et culturel en pleine effervescence.( je rêve d’ailleurs d’une adaptation par Sofia coppola, vu qu’il était dit sur la jaquette que c’est une histoire formidable…)
    Et middelsex je l’ai lu quelques années après virgin -suicide. J’avais beaucoup aimée même si mes souvenirs sont assez loin…
    Après en livre Lgbt j’ai lu Sarah waters
    Des faux livres d’époque lesbiens, c’est vraiment ce que j’ai pensé j’ai trouvé cela trop mécanique comme écriture et intrigue, avec de gros retournement de situation…
    Mishima, confessions d’un masque traite aussi de ce sujet mais c’est beaucoup en sous entendu.
    Après j’ai certainement lu d’autres choses, ms soit c’était pas le sujet principal, soit je ne m’en souviens plus. (en fait en réfléchissant quelques livres me reviennent…)

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    • Tu décris très bien l’écriture de Violette Leduc, c’est vraiment ça (et j’ai trouvé que Thérèse et Isabelle est d’une violence un peu sourde à certains passages)
      Ah oui, Fairyland par Sofia Coppola ça peut donner ! Même si je me demande si elle n’a pas une caméra un peu trop « bourgeoise » (sans connotation négative) pour cette histoire, tu en penses quoi ?
      Sarah Waters je ne connaissais pas, dans le genre il y a peut-être Carol aussi ? (que je n’ai pas lu donc je peux me tromper)
      Il faut vraiment que je me remette à la bibliographie de Mishima !
      Je note Jeanette Winterson, le titre est sympa en plus.

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  2. Arf j’ai oubliée jeannette winterson j’ai adoré pourquoi faut-il être heureux quand on peut être normal ? Mais été déçu en revanche par « les oranges ne sont pas les seuls fruits » pourtant le titre me plaisait tant…

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  3. En découvrant le sujet de ton article, je me suis dit « ah ben tiens voilà bien un domaine dans lequel je n’y connais rien »… Sauf que Fairyland est dans ma wish-list (Carol de Patricia Highsmith également) et que Middelsex est l’un de mes livres préférés!

    J’ai lu les deux Jeannette Winterson mentionnés par Elebore (merci Exploratology!) et je me souviens également en avoir préféré un à l’autre.

    J’ai également lu :
    – Du bout des doigts, de Sarah Waters (mais j’en garde un sentiment de malaise…),
    – L’infortunée de Wesley Stace (conseillé par Jacmel), qui raconte l’histoire d’un petit garçon élevé comme une fille et qui gardera toute ça vie cette ambiguïté plus ou moins assumée,
    – The danish girl de David Ebershoff (il y a eu un film il n’y a pas très longtemps), que j’ai beaucoup aimé et qui pose très frontalement la question des opérations de transsexualité (à une époque où cela s’apparentait tout de même beaucoup à une boucherie, il faut bien l’avouer). Il y a également une très jolie réflexion autour de la « révélation » et des bouleversements progressifs.

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    • Tu aimeras sûrement Fairyland je pense !
      Tu avais parlé du bout des doigts sur le forum il me semble, non ?
      J’ai vu le film tiré de The Danish Girl et il m’avait bien plu même s’il est très scolaire et que je regrette un peu le choix d’Eddie Redmayne comme acteur principal qui entretient la confusion bien trop courante entre travesti et transgenre (et je trouve qu’il a tendance à jouer tous ses rôles de la même manière même s’il est mimi).
      Il faudra vraiment que je lise le livre par contre !

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  4. Je viens tout juste de finir Frangine de la géniale Marion Brunet, ta chronique tombe très bien !
    Thérèse et Isabelle est dans ma PAL depuis des lustres depuis que j’ai lu L’Asphyxie, Middlesex est dans ma wish-list depuis encore plus longtemps et je note illico Fairyland ! Merci pour cette sélection !

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  5. Coucou !
    C’est une si belle idée d’article, merci à toi pour toutes ces découvertes, j’en prends note car je n’ai jamais lu les livres présentés et là il me tarde pour certains…
    Belle journée à toi.

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  6. Je suis ravie car je ne connais aucun des livres cités dans ton article ! Mais je vais prendre note car les trois me semblent très intéressants !
    Pour ma part, celui qui m’a le plus bouleversé est l’histoire vraie d’Aimée et Jaguar d’Erica Fischer. J’ai vu le film avant de pouvoir me procurer le livre. Cette jeune femme juive qui tombe amoureuse de la femme d’un soldat nazi. Cette histoire d’amour qu’on aurait pu penser impossible entre ces deux femmes m’a tellement touché et leur courage à cette époque de l’Histoire…
    En tous cas merci pour ces 3 belles idées de lecture.
    Belle journée.

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    • Merci pour ton commentaire, j’espère que ces livres te plairont !
      Je ne connaissais absolument pas cette histoire ! Je viens de lire un article de Libé consacré à Elisabeth Wurst, quelle tristesse…
      Merci de m’avoir fait découvrir Aimée et Jaguar, bonne journée 🙂

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