3 livres pour la fête des mères

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Madre, Joaquin Sorolla (1895)

Aujourd’hui c’est la fête des mères. Même si ses origines françaises sont peu glorieuses (cc pétain), je me suis dit que c’était tout de même l’occasion de présenter quelques romans sur les relations enfant-maman, en essayant au maximum de ne pas tomber dans cette glorification très chrétienne de la maternité.

Au programme : un roman jeunesse, un texte autobiographique et un manga jôsei.


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Ce roman, je l’ai lu pour la première fois autour du CE2 et relu à de nombreuses reprises depuis. Comme d’habitude, ce n’est évidemment pas parce que la cible principale est enfantine que les adultes n’ont pas le droit de lire et d’apprécier la lecture !

Verte n’a qu’une envie : être normale, contrairement à sa sorcière de maman. Empoisonner le chien des voisins, très peu pour elle. Inquiète, sa mère la confie aux soins d’Anastabotte, la grand-mère, mais les résultats de cette intervention dépassent ses espérances.

J’ai toujours vécu avec ma mère. Pendant des années, je n’ai pas eu a me plaindre, au contraire. Elle était un peu étrange, certes. Elle ne ressemblait pas aux mères des mes copines. En un sens, tant mieux : elle avait une allure folle, elle disait des gros mots et elle m’emmenait au cinéma pour un oui pour un non. Mais sa qualité de sorcière présentait des désavantages. Elle passait un temps fou dans sa cuisine a marmonner devant sa cocotte-minute en regardant bouillir de dégoûtantes purées brunâtres. L’appartement empestait pendant des jours. Et les catastrophes s’abattaient sur l’immeuble. Fuites d’eau à tous les étages, décès foudroyants de chiens du voisinage, éruptions de boutons sur des familles entières. Il fallait ensuite affronter pendant des semaines les remarques furieuses des habitants de l’immeuble.

Je trouve que globalement l’École des Loisirs possède un super catalogue, intelligent et accessible, et Verte ne fait pas exception à la règle. C’est un roman drôle et prenant pour les jeunes lecteurs, qui possède aussi un sous-texte lui permettant d’être apprécié différemment plus âgé. Sans être simpliste l’écriture est agréable et dynamique, tout comme la construction du livre puisque c’est un roman choral, alternant entre le point de vue de Verte, de sa grand-mère, de son camarade de classe…

Ce texte est sur la sorcellerie, oui, mais avant tout sur la relation entre mère et fille, les différentes générations, les familles monoparentales, la difficulté de se construire dans un foyer atypique et la volonté de se fondre dans le moule. Il y a un joli message sur la tolérance et un humour très présent, bref, c’est un joli roman jeunesse à lire à partir de 9 ans. Il existe également plusieurs suites que je n’ai pas lues, Pome et Mauve.


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On passe à un roman autobiographique écrit par Albert Cohen, l’auteur de Belle du Seigneur qui fait parti de mes livres préférés. Ici, le texte est assez différent de son roman-fleuve et il sombre en plus gaiement dans des travers qui ont tendance à m’agacer… mais sa jolie plume me fait tout lui pardonner.

C’est cette fois un court texte sur le deuil ; après le décès de sa mère, Cohen se flagelle pour son ingratitude et son incapacité à avoir rendu l’amour que sa mère lui portait de son vivant.

La douleur, ça ne s’exprime pas toujours avec des mots nobles. Ça peut sortir par de petites plaisanteries tristes, petites vieilles grimaçant aux fenêtres mortes de nos yeux.

Cohen écrit très bien, dans Le livre de ma mère comme dans Belle du Seigneur. Son style est poignant, de nombreux passages sont très fort et touchent juste dans son deuil désespéré. C’est un texte trop personnel pour prendre réellement un aspect universel, la relation décrite entre l’auteur et sa mère m’a rappelé par touches celle romancée par Romain Gary dans La Promesse de l’Aube.

Malheureusement, Cohen entre parfois dans des raccourcis manichéens et sexistes. Sa mère semble perdre par moments son statut d’être humain pour devenir une quasi-sainte, dédiée uniquement à l’amour de son enfant. Je n’ai pas eu le sentiment que l’auteur voyait sa mère comme une personne à part entière et c’est dommage de faire d’aussi grandes généralités sur la maternité, même si cela se comprend par son deuil et leur relation passée.

Il reste une superbe écriture portant un cri d’amour et de détresse, touchant sans être universel.


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On termine avec un manga jôsei (c’est-à-dire visant un public plutôt féminin et jeune adulte) que j’ai découvert par hasard il y a quelques années, chez Boulinier ou Gibert Jeune, lors d’une razzia de bouquins d’occasions : la couverture était jolie et j’ai tenté, avec succès puisque je le relis régulièrement avec toujours autant de plaisir.

All my Darling Daughters comprend plusieurs histoires tournant toutes autour d’une trentenaire, de ses connaissances et de sa mère, qui après s’être rétablie d’un cancer décide de vivre sa vie comme elle l’entend et se remarie avec un homme plus jeune que sa fille. Fumi Yoshinaga aborde plusieurs sujets touchant la société japonaise moderne (mais pas que) sous forme de courts chapitres.

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Changement complet d’ambiance par rapport au roman de Cohen, ici la figure maternelle est représentée dans toute son humanité, avec ses forces et ses failles. La réflexion sur la parentalité et la manière dont on apprend des erreurs de ses parents pour en accomplir d’autres en essayant de les corriger est passionnante (je n’y avais jamais réfléchi à l’époque où je l’ai lu pour la première fois et j’en étais restée bouche bée. Mais j’étais assez jeune donc ne vous attendez pas non plus à un truc de fou, ça reste une esquisse et pas un traité psychologique).

All my darling daughters aborde le féminisme, la relation mère-fille, l’aromantisme… avec beaucoup de pudeur et de finesse, n’entrant jamais dans le mélodrame même sur les sujets les plus durs et complexes, et garde toujours un humour un peu particulier. J’ai toutefois trouvé certaines histoires un peu inégales, notamment celle d’une relation entre un professeur et son élève, très malsaine et présentée avec beaucoup de recul (au moins, l’autrice met carrément les mots sur la source du malaise et ne le présente à aucun moment comme quelque chose de normal).

Le dessin est un peu particulier mais efficace et touchant, le tout résonne juste même lorsque l’on n’a pas connu les situations décrites. C’est un manga trop peu connu offrant une belle lecture douce-amère.


Avez-vous déjà lu ces livres ?
Connaissez-vous d’autres textes centrés sur la relation entre mère et enfant ?

2 réflexions sur “3 livres pour la fête des mères

  1. Tu sais que ça fait une semaine que j’essaie de trouver un livre que j’aurai lu et qui montrerait une image juste/réaliste d’une maman avec ses qualités, ses défauts, ses choix de vie, ni complètement idéalisée, ni complètement abominable (comme Vipère au poing), ni écrit après une mort terrible (La promesse de l’aube, Rien ne s’oppose à la nuit)… et jusque là, je n’ai pas trouvé!!! Problème de mémoire, de méconnaissance ou véritable piège littéraire? 😉

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    • Eh bien je me suis fait la même remarque en réfléchissant à l’article !
      D’ailleurs, en en cherchant pour la fête des pères, j’ai l’impression que souvent dans les romans sur la paternité le père est le sujet, c’est sur lui, ses réflexions qu’est centrée l’histoire, alors que pour la maternité la mère est souvent l’objet… Je ne sais pas si c’est un manque de connaissances de ma part ou un piège littéraire, comme tu dis !

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