6 romans se déroulant en 14-18

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Jacques Tardi – Putain de guerre !

Ce mois-ci, c’est le centenaire de l’armistice de la Première Guerre mondiale.
Et plutôt que de célébrer les collaborateurs du régime nazi, pourquoi ne pas plutôt faire le travail de mémoire grâce à la littérature ? Si les romans se passant durant la Seconde Guerre mondiale sont nombreux et sont souvent conseillés, sur les blogs et ailleurs (ce blog ne faisant pas exception), la Grande Guerre a tendance à être un peu oubliée. Aujourd’hui, je vais donc essayer de vous proposer une sélection pour tous les goûts : des livres jeunesse, des classiques, des nouvelles, et même un peu de science-fiction.
J’ai par contre remarqué après coup que tous ces romans sont écrits par des hommes et qu’il y a une seule héroïne féminine : je ne connais pas de texte d’autrice portant sur la Grande Guerre et c’est bien dommage. Si vous pouvez remédier à mes lacunes, je vous en serai éternellement reconnaissante !


ennemiL’ennemi
Erich Maria Remarque
(1931)


Si vous devez lire un seul livre de cette sélection, c’est définitivement ce recueil de nouvelles de l’auteur d’À l’Ouest, rien de nouveau (grand classique que j’aurais probablement inséré à la sélection… si je l’avais lu)(oups). Erich Maria Remarque est un ancien combattant, censuré et dénaturalisé dans les années 30 par le régime nazi pour son pacifisme militant et de son refus de considérer qu’une frontière légitime de faire s’entretuer qui que ce soit. Pire : il semble même dire que les « ennemis » ne sont pas bien différents de nous. Incroyable !

Les six textes sont tous très courts, mais plusieurs ont réussi en quelques pages seulement à faire ce que peu de pavés ont accompli : me mettre les larmes aux yeux (je suis une pleureuse absolue devant les écrans – les vidéos de chiens mignons me font voir flou, c’est dire – mais c’est rarissime devant un livre). La plume est superbe, le propos intensément pacifique, et l’auteur dénonce l’absurdité des combats avec beaucoup d’humanité et de subtilité. Il y a peu de violence frontale mais plutôt des tranches de vie de chaque côté des tranchées, sur le front comme à l’arrière. Un très beau livre !

Au-dessus de ces champs semblent se dresser les années perdues, les années qui n’ont pas été et qui ne retrouvent pas le repos – le cri de la jeunesse anéantie trop tôt, fauchée en pleine course.


soldat_peaceful.pngSoldat Peaceful
Michael Morpugo
(2003)


Un tour du côté des romans jeunesse cette fois-ci, avec le journal intime d’un garçon de dix-sept ans parti à la guerre avec son grand-frère.

J’ai lu ce roman il y a plus de dix ans et mon avis est donc à prendre avec des pincettes, mais j’avais été très touchée à l’époque.
C’est à destination des ados et pré-ados avec l’accompagnement de leurs parents (voire avant, je ne sais pas : Gallimard le conseille à partir de 11 ans)(ah, et évidemment, tous les adultes sont les bienvenus pour le lire ; si la littérature jeunesse était réservée aux enfants uniquement, ça se saurait).
Dans mes souvenirs, c’est un texte souvent dur, servi par une plume poétique et des personnages attachants. Les avis sur internet semblent aller dans ce sens donc je vais faire confiance à ma mémoire !
Suis-je vraiment légitime à parler d’un roman lu il y a si longtemps ? Eh bien je dirais que oui, puisque je m’en souviens encore, même si c’est de façon très floue. Vous avez le droit de me jeter des tomates si vous n’êtes pas d’accord (c’est pas trop de saison par contre, préférez des mandarines). Si vous l’avez lu plus récemment, votre avis est cependant le bienvenu !

J’y vais parce que les autres y vont, j’avance comme si j’étais en transe, comme si je me projetais entièrement à l’extérieur.


diable_au_corps.pngLe diable au corps
Raymond Radiguet
(1923)


Voici un classique un peu particulier sur la Grande Guerre puisqu’il ne relate pas le destin de ceux envoyés sur le front, mais des civils restés derrière.
Et je vais perdre le peu de crédibilité qu’il me reste mais… j’en garde assez peu de souvenir (promis, lui et le précédent sont les seuls de la sélection dans ce cas). On suit un jeune héros (si « héros » est le bon terme pour un personnage aussi insupportable) qui tombe amoureux d’une femme dont l’époux est parti à la guerre. C’est un roman qui fait ressentir une atmosphère lancinante de vide et de temps suspendu, comme si le monde s’était arrêté en attendant le retour des poilus. Paradoxalement, on croirait presque voir les héros en vacances : ils vivent leurs vies d’adolescent sans que la guerre ne soit qu’autre chose qu’un concept un peu abstrait. C’est donc un roman profondément immature, que ce soit dans ce rapport au conflit, l’amour excessivement agaçant entre les deux ou l’égoïsme insupportable du héros ; mais cette immaturité est assez fascinante, même si pas dénuée de sexisme envers le personnage féminin (due au héros ou à l’auteur ? je l’ai lu il y a trop longtemps pour trancher).
Ça ne plaira probablement pas à tout le monde (et ça se comprend, je ne suis pas sûre de l’aimer encore aujourd’hui) mais c’est… intéressant !

Jacques reviendrait. Après cette période extraordinaire, il retrouverait, comme tant d’autres soldats trompés à cause des circonstances exceptionnelles, une épouse triste, docile, dont rien ne décèlerait l’inconduite.


au_revoir_la_haut.pngAu revoir là-haut
Pierre Lemaitre
(2013)


Celui-là, vous en connaissez probablement au moins le nom : il a gagné le prix Goncourt et a même été adapté au cinéma l’an dernier. On y suit le destin de deux soldats, pendant la guerre et après, quand la société entière préfère tourner le regard loin des gueules cassées qui rappellent des souvenirs trop douloureux.

J’avais entendu beaucoup de bien du roman et j’avais donc forcément peur d’être déçue. Finalement, pas du tout, j’ai même pris beaucoup de plaisir à le lire !
Il y a un ton que je retrouve rarement dans les romans contemporains, et j’aurais presque daté le texte d’une centaine d’années avant : la plume, les rebondissements basés sur un fait divers… il y a un gros côté « classique avant l’heure » qui n’est pas déplaisant. C’est un bon page-turner, doté de plusieurs bonnes idées qui lui donnent un poil d’originalité. Je suis assez intriguée par son adaptation maintenant ; certains passages sont graphiquement très forts et je me demande ce que ça donne à l’écran !
Ce n’est pas un coup de cœur pour moi, mais j’ai passé un très bon moment. J’ai eu beaucoup de mal à m’attacher aux personnages, même en étant touchée par leur destin, et c’est peut-être ce qui m’a empêchée d’être complètement convaincue.

Il savait que la guerre n’était rien d’autre qu’une immense loterie à balles réelles dans laquelle survivre quatre ans tenait fondamentalement du miracle.


ingénieur.pngLes Ingénieurs du bout du monde
Jan Guillou
(2011)


Je continue avec un gros pavé suédois qui rappelle que la Grande Guerre, ce n’est pas que l’Europe de l’Ouest ! Les Ingénieurs du bout du monde est une saga familiale suédoise suivant trois frères norvégiens, nés d’une famille de pêcheurs et réduits à la pauvreté après la mort de leur père. Repérés pour leurs talents d’ingénierie par une association de bienfaisance, ils sont envoyés en Allemagne pour suivre leurs études à la condition de revenir en Norvège aider à la construction d’un réseau ferré à l’obtention de leur diplôme. Sauf que l’un s’enfuit en Angleterre, l’autre dans les colonies allemandes en Afrique et le dernier est donc seul à retourner en Norvège.

Ce premier tome se déroule de 1901 à 1919 : la Première Guerre mondiale n’est pas le seul sujet du livre. Mais c’est un beau texte (malgré quelques longueurs et un style – une traduction ? – pas particulièrement marquant) qui a le mérité de rappeler que les victimes sont partout et qu’on a tendance à les oublier quand elles ne sont pas blanches. Il rappelle aussi que l’Histoire est écrite du côté des vainqueurs et que les Allemands ne sont pas toujours les grands méchants de l’histoire, tandis que les Anglais et autres Européens seraient dénués de tout reproche.
Il y a une dénonciation virulente de l’Empire Colonial et des atrocités commises par l’Angleterre et la Belgique, et attention : certains passages sont vraiment difficiles à lire (l’Allemagne est relativement épargnée, mais il y a des paragraphes très cyniques quand on connaît la suite des événements, égratignant cette apparente civilité). Le texte suit le point de vue des personnages ; ils sont, au départ, encore très marqués par leurs préjugés et le début peut montrer des points de vue racistes, homophobes et sexistes. Mais l’auteur sait remettre ça en cause au fil des pages et montrer qu’il ne cautionne pas les dires de ses héros. Bref, c’est une découverte assez surprenante et qui me donne envie de lire ses suites !

Le XXe siècle sera celui des grands progrès techniques. Les gens qui vivront dans cent ans nous regarderont comme nous, aujourd’hui, les hommes de l’âge de pierre. […] Il n’y a aucune limite, même en imagination, aux progrès que nous connaîtrons au cours du XXe siècle et, je peux vous garantir, messieurs, que nous n’en sommes qu’au début.


leviathan.pngLeviathan
Scott Westerfeld
(2009)


Je termine avec le premier tome d’une série Young Adult, uchronique et steampunk, pour une incursion plus fantastique et jeunesse dans le thème. Tout commence à l’aube de la guerre, dans une Europe divisée entre les Clankers à l’Est, partisans des machines mécaniques, et les Darwinistes à l’Ouest, qui utilisent des espèces animales hybrides. Alek et Deryn, les deux héros, subiront chacun les conséquences du conflit : le premier par sa filiation à l’archiduc François Ferdinand, la seconde par son désir d’intégrer l’aviation anglaise.

Le roman est donc un habile mélange entre vérité historique et inventions (avec une postface de l’auteur bienvenue démêlant le vrai du faux) et compose un agréable divertissement. Je n’avais jamais lu de texte steampunk avant et le mélange entre passé et science-fiction est franchement sympa ! Il y a trois tomes à la série, qui forment une histoire complète (ce premier volume est plus une introduction qu’autre chose, d’ailleurs). Le Young Adult et particulièrement le genre aventure-action n’est pas mon domaine de prédilection donc je ne pense pas lire la suite, mais c’est un roman accessible et prenant qui peut plaire à pas mal de monde. L’univers est surprenant, les héros sont sympathiques, les rebondissements sont assez nombreux pour accrocher. Je l’ai lu en anglais et c’est une lecture très fluide (une fois la terminologie des machines intégrée).
Si vous avez lu la suite, je serai ravie d’avoir votre retour !

Une gigantesque bête volante émergeait des nuages…De forme cylindrique, elle ressemblait à un zeppelin mais ses flancs hérissés de cils palpitaient doucement.


Connaissez-vous certains de ces romans ?
Et vous, quels livres conseilleriez-vous sur 14-18 ?

14 réflexions sur “6 romans se déroulant en 14-18

  1. Très interessant ton article qui me fait prendre conscience que moi aussi je ne lit que des romans parlant de la seconde guerre mondiale. Je peux cependant te conseiller Cri de Laurent Gaudé, c’est son premier roman. C’est un livre court mais puissant sur les soldats dans les tranchés.

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    • Merci beaucoup !
      Et c’est vrai que la Première Guerre mondiale « attire » moins en littérature (au même au cinéma en fait) que la Seconde, sûrement parce que pour les civils, l’impact n’a pas été le même (et que l’horreur du nazisme a quelque chose de fascinant pour beaucoup, j’imagine).

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      • Ce n’est pas ça pour moi. Et je vais encore moins vers les histoires de la Seconde guerre mondiale. En fait, les guerres mondiales (la Seconde plus que la Première comme tu dis) sont des sujets que j’ai tellement lus et vus (en cours comme dans mes lectures/visionnages perso) que je préfère me diriger vers d’autres choses. Il y a une légère saturation. Mais par contre, je suis passionnée (et horrifiée souvent) dès que je suis plongée dans une de ces histoires. C’est juste qu’il faut que je me donne un petit élan pour m’y lancer de moi-même

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  2. Tu ne pouvais que parler de « Au revoir là-haut », uhu. (la fille qui n’attendait que ça)

    Bien sûr, je note « L’ennemi », on sent vraiment que tu as aimé ce livre par-dessus tout, ça donne envie ! Mais aussi « Les ingénieurs du bout du monde », je dois avouer qu’il m’intrigue…

    Je n’ai jamais trop lu de livres sur la Première Guerre mondiale… mais pas tant que ça sur la Deuxième non plus ! Toute suggestion est donc bonne à prendre 😀

    (moi aussi, je recommande « Cris » de Laurent Gaudé, même si ce n’est pas son meilleur livre)

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    • Eh oui hein :p

      Oui, L’ennemi c’était très beau (surtout une des nouvelles en fait, qui est impressionnante), ça m’a vraiment touchée !
      Et les ingénieurs a aussi des défauts mais c’était vraiment intéressant, et ça me fait penser qu’il faut que je lise plus de littérature sur les colonies (avec un biais décolonial, tu t’en doutes :D)

      Cris est noté alors !

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  3. J’aime beaucoup tes listes thématiques, même si en général, elles allongent ma wish-list! 😉

    J’ai lu:
    – Au-revoir là-haut et j’en ai parlé sur Explo… le 11 novembre. 🙂 Comme toi, j’ai pris beaucoup de plaisir à le lire, et j’ai été véritablement happée pas tant par l’histoire que par le style de l’auteur, sa façon d’écrire, la tension permanente qu’il instille au fil des pages, sans que ce soit pour autant un coup de coeur.
    – Le diable au corps et je n’en garde à peu près aucun souvenir. (pour ma défense, c’était il y a vraiment très longtemps!) 😀

    Tu m’as bien donné envie de lire L’ennemi et Les ingénieurs du bout du monde, dont j’ai déjà entendu parlé il me smeble. Et tu m’intrigues vraiment avec Léviathan, alors que comme toi, c’est loin d’être mon genre de lecture habituel 😀

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    • Ah ah, merci 😀

      Je ne te conseilles pas particulièrement Leviathan honnêtement, le contexte est très sympa mais c’est assez classique du roman Young Adult autrement. En emprunt à la limite, ou pour quand ton grand sera au collège :p

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