Tokyo Vice – Jake Adelstein

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J’avais envie de lire ce livre dès sa sortie en librairie, même si je n’avais aucune idée de son sujet ; la couverture de son édition grand format est très belle, intrigante juste ce qu’il faut. Les multiples avis enthousiastes qui ont fleuri sur la toile depuis m’ont d’autant plus motivée et quand j’ai vu que Tokyo Vice était sorti en poche le mois dernier je n’ai pas hésité (sans même parler de la différence de budget, la couverture de chez Point est assez sympa aussi !). Forcément, j’en attendais beaucoup et dans l’ensemble, je n’ai pas été déçue.
Alors, prêts à plonger dans le monde nocturne du Japon ?

Mais de quoi ça parle ?

Après ses études au Japon, Jake Adelstein intègre la rédaction du Yomiuri Shinbun – l’un des plus importants journaux japonais – ce qui fait de lui le premier journaliste étranger à y écrire. Il couvre des affaires liées au crime organisé et à la prostitution et va peu à peu être amené à s’approcher dangereusement des affaires des yakuzas…

« Tu as fait la seule chose que tu pouvais faire. Tu as pris la bonne décision. Aucun article ne vaut la peine de mourir, aucun article ne mérite non plus que ta famille meure. Les héros sont simplement ceux qui n’ont plus le choix. Tu avais encore le choix. Tu as fait le bon. »

Mon avis

Tokyo Vice est une autobiographie romancée parlant de journalisme d’investigation. On croirait lire un polar tant tout est addictif et incroyable, mais tout est vrai (même si les noms des informateurs de l’auteur ont évidemment été modifiés). Les anglophones appellent ça de la narrative non-fiction ; c’est un genre que je n’avais – je crois – jamais lu auparavant et autant dire que les pages ont défilé à une vitesse folle, alors même que je ne suis pas fan de polar. J’adore, par contre, apprendre de nouvelles choses sur la culture d’un pays et j’ai été servie, car Jake Adelstein dévoile tout un pan peu reluisant de la culture japonaise ! C’est terriblement glauque (forcément, ça parle yakuzas et prostitution, malheureusement souvent forcée) et j’ai souvent écarquillé grand les yeux face à ce que j’apprenais. Ce n’est clairement pas un roman sponsorisé par les offices de tourisme japonais.

Tokyo Vice est parfois trop proche des polars noirs à mon goût, dans tout ce qu’ils font de plus cliché. Comme c’est la vraie vie de l’auteur j’ai essayé de me retenir de lever les yeux au ciel, mais je ne suis pas persuadée qu’il était utile de nous raconter toutes ses expériences sexuelles avec ses informatrices : entre ça et son rapport assez particulier à l’alcool, j’ai eu l’impression de plonger tout droit dans les histoires de détectives vues et revues. Alors là encore, tout est vrai (a priori) et donc naturellement moins cliché, Jake Adelstein n’étant pas un archétype sur pattes. Il aborde d’ailleurs avec pas mal d’intelligences un certain nombre de phénomènes de société comme le sexisme au Japon, parlant des difficultés complètement injustes de ses collègues féminines.

Jake Adelstein n’est pas particulièrement sympathique, et on ne peut pas dire qu’il se mette en valeur dans son récit. Il n’y a ni pudeur ni orgueil et il se présente sous un joug clairement peu flatteur : le journaliste est égoïste, intelligent et réactif mais souvent à la lisière du légal et du moral, faisant pâtir tout son entourage de ses actions souvent irréfléchies. Il est en tout cas indéniablement courageux ou inconscient (au choix) puisque ses articles ont eu un véritable retentissement (il est toujours en vie donc on va dire courageux) et c’est une personnalité fascinante à suivre.

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Illustration de couverture aux éditions Marchialy

Tokyo Vice est un récit passionnant et d’une grande force dénonciatrice, qui se rapproche du roman noir tout en transmettant beaucoup de données socio-culturelles. Si vous vous intéressez de près ou de loin au Japon, au milieu du journalisme ou aux milieux mafieux et yakuzas c’est une véritable pépite. Je n’ai toujours pas vu ces deux séries, mais mon frère m’a souvent parlé de The Wire et de Gomorra : ce qu’il m’en a dit m’a rappelé ce que j’ai lu ici, donc si vous les connaissez peut-être pouvez vous accrocher (et n’hésitez pas à me signaler si je fais un rapprochement stupide ou non). Bref, c’est du vrai journalisme gonzo et ça m’a donné envie de découvrir plus d’œuvres du genre !

Les éditions Marchialy ont d’ailleurs récemment édité un autre texte de l’auteur, que je lirai sans aucun doute. J’ai également vu que Tokyo Vice va être adapté en film avec Daniel Radcliffe, ce qui promet d’être intriguant !

Tokyo Vice – Jake Adelstein (2016)
Édité chez Marchialy en grand format, chez Points en poche


Sur le même thème et que je conseille :

  • Spotlight – Tom McCarthy : si c’est le journalisme d’investigation qui vous passionne.
    Comme dans Tokyo Vice, Spotlight fait part de faits réels de manière aussi captivante qu’un thriller. Les journalistes d’investigation concernés ont d’ailleurs gagné le prix Pulitzer pour l’article qu’ils ont sortis au début des années 2000, dénonçant un scandale impliquant des prêtres pédophiles couverts par l’Église. Le sujet est lourd et le film assez poignant, permettant de se plonger un peu dans ces milieux. Une chouette découverte, même si la mise en scène est très classique : c’est bien fait mais ça ne suffit pas à marquer les esprits pour toujours. Le jeu des acteurs et le fond restent un sans-faute donc c’est à voir !
  • De sang-froid – Truman Capote : si vous aimez la narrative non fiction.
    Encore un texte vécu de très près par son auteur et traitant d’un milieu criminel, même si ici ce n’est pas celui du crime organisé. Après le meurtre de toute une famille par deux acolytes, Truman Capote suit l’enquête et les accusés pour en ressortir un récit d’une force assez fascinante. Cela met très mal à l’aise mais c’est le but : c’est donc réussi. J’en parlais également dans cet article.
  • Taxi Driver – Martin Scorsese : si le monde de la nuit vous intéresse.
    Vous connaissez probablement déjà ce film au moins de nom puisque c’est un classique du genre, célèbre pour la prestation hallucinante de Robert De Niro. L’acteur joue un chauffeur de taxi qui va peu à peu se confronter et se plonger dans un New-York nocturne sombre et pétri de violence. Il décide alors de sauver de ses souteneurs une jeune prostituée mineure. C’est évidemment violent et malsain, un film maîtrisé et dont l’ambiance est pour moi celle qui se rapproche le plus de Tokyo Vice. Il n’a pas volé sa réputation de chef-d’œuvre !

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Avez-vous lu Tokyo Vice ?
Connaissez-vous d’autres œuvres sur le sujet ?

14 réflexions sur “Tokyo Vice – Jake Adelstein

  1. J’attendais ton avis avec impatience depuis que je l’avais vu en « Lecture du moment »!
    Comme toi, je l’ai d’abord découvert par sa couverture, qui ne passe pas inaperçue sur une table de librairie. Par contre, la quatrième de couverture ne me tentait pas plus que ça: le côté polar/journalisme d’investigation ne me donne jamais bien envie de lire. Alors que ton avis si! 🙂 J’adore découvrir une culture ou une époque, y compris dans ce qu’elle a de moins reluisant, de cette façon. Ma wish list te remercie!

    Ce que tu dis de Tokyo vice me fait penser au génial Demasiado Corazon de Pino Cacucci: le même mélange d’enquête journalistique se heurtant au pouvoir politique acoquiné avec des mercenaires dans un Mexique moderne qui ne fait pas forcément rêver.

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    • Je me demande si je ne l’ai pas vu pour la première fois dans ta fameuse petite librairie dijonnaise en plus, c’est clair que la couverture accroche tout de suite l’œil !
      Tu me fais plaisir ♥ Et je suis vraiment comme toi, le côté polar ça me laisse de glace, le journalisme d’investigation neutre, par contre la découverte de pans d’une culture ça j’adore. J’espère que ça te plaira !

      Oh, je ne connaissais pas du tout ce livre, et hop dans mon panier bibliothèque 😀

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  2. Le Japon m’intéresse, alors oui, je suis intéressée 😀

    Je dois avouer que ce que tu en dis m’intrigue pas mal, je ne me tourne habituellement pas vers ce genre de récits non plus, mais je suis tout à fait prête à sortir de ma zone de confort. Et merci pour l’avertissement « il raconte beaucoup sa vie sexuelle quand même », ça m’aurait saoulé de le constater par moi-même, je suis prévenue au moins. x)

    Merci pour cette chronique tout à fait intéressante !

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    • Eh bien tu devrais accrocher alors, parce qu’on apprend vraiment beaucoup sur le Japon, même si ce n’est pas du tout flatteur !
      En tout cas pour moi ce côté découverte de la culture a largement compensé les aspects négatifs. Même si j’aurai bien aimé être prévenue de la présence de la vie sexuelle d’Adelstein avant :p

      Merci à toi et j’espère pouvoir lire ton avis sur le bouquin à l’occasion !

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  3. Je vais me mettre directement à regarder Taxi Driver, depuis le temps qu’on m’en parle, c’est le moment là. Surtout que ça me fera une excuse du genre « bah si j’ai bossé aujourd’hui, il date de 1978 donc c’est un classique qui me servira d’exemple lors de mon épreuve »… Et puis le livre j’ai terriblement envie de le lire, plusieurs fois je l’ai vu sur la table des librairies, je l’ai pris, j’ai failli l’acheter et finalement j’ai décidé d’attendre. Pourquoi je n’en sais rien du tout 😦

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