Autour du monde, elles écrivent – Bilan de l’automne

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Autour du monde, elles écrivent
1. Présentation du défi
2. Bilan de l’été
3. Bilan de l’automne

Noël arrive bientôt, et avec lui le début de l’hiver et de la troisième étape du défi Autour du monde, elles écrivent. Tout est expliqué plus en détail dans l’article de présentation, mais je rappelle toutefois que c’est une chouette idée d’Éléonore B. et d’Une vie, des livres.
Aujourd’hui, c’est parti pour le bilan de mes lectures d’automne !

Pour cette deuxième étape du voyage à la rencontre des écrivaines du monde entier, j’ai visité l’Europe continentale et l’Amérique du Sud : cap sur le Chili, la France, la Hongrie, la Biélorussie et le Mexique !
Comme cet été, j’ai fait de sacrées découvertes, et j’ai surtout réussi à enfin découvrir vraiment le réalisme magique, un genre qui me laissait de glace à mon plus grand désarroi (pourquoi tout le monde aime Cent ans de solitude sauf moi ? drame de ma vie). Alors que je n’avais prévu qu’une seule lecture d’Amérique du Sud, une deuxième est donc venue s’y greffer dans la foulée de mon enthousiasme pour la première.
Côté Europe continentale, j’étais en terrain beaucoup plus familier, et j’ai surtout lu des livres qui me tentaient depuis longtemps ; pas de surprise sur le vieux continent.

Un automne en Europe continentale et en Amérique du Sud :

maison_aux_esprits.pngLa Maison aux Esprits – Isabel Allende (1982)

L’histoire d’une famille sur plusieurs générations et des événements qui font changer ce pays d’Amérique du Sud, jamais nommé mais ressemblant étrangement au Chili.

Elle en fit part dans ses lettres à Clara dans ses lettres et celle-ci lui répondit qu’elle ne devait pas redouter les morts, plutôt les vivants, car malgré leur fâcheuse réputation, jamais on n’avait vu des momies s’en prendre à qui que ce fût ; au contraire, elles étaient d’un naturel plutôt timide.

Le voilà, le premier roman de réalisme magique que je lis et que j’aime ! Je commençais à désespérer de m’ennuyer en lisant Gabriel Garcia Marquez, Borges et les autres… et j’avais franchement pas mal d’appréhensions à me lancer dans La Maison aux Esprits, malgré son excellente réputation.
Merci donc au défi sans qui j’aurais repoussé cette lecture ad vitam æternam : j’ai été prise dans le roman dès la première page, et j’ai tout lu presque d’une traite ! J’aime beaucoup suivre une histoire sur plusieurs années ou générations et ici, j’étais servie. Contrairement à Cent Ans de Solitude, les personnages n’ont pas tous les mêmes prénoms et il faut avouer que ça aide beaucoup à suivre le fil. Je ne connais pas grand chose à l’histoire du Chili, mais j’ai réussi à retrouver des bribes de références de-ci de-là. Pour celles et ceux plus calé·e·s en Histoire que moi, j’imagine que le roman doit être d’autant plus intéressant, mais même sans rien connaître on ne perd rien ! Les personnages féminins sont attachants, les personnages masculins… plus rares. D’ailleurs, le « héros » est une sacrée raclure de bidet.
Il n’empêche que j’ai fini par m’attacher à tout le monde, et que cette jolie aventure m’a fait traverser plein d’émotions. Bref, un super roman fleuve qui se lit facilement et embarque directement !

batarde.pngLa bâtarde – Violette Leduc (1964)

L’autobiographie romancée de Violette Leduc, enfant illégitime à la vie marquée par sa relation avec sa mère, sa bisexualité, la haine de son physique qu’elle a toujours trouvé disgracieux et ses débuts dans la littérature.

Mon cas n’est pas unique, j’ai peur de mourir et je suis navrée d’être au monde. Je n’ai pas travaillé, je n’ai pas étudié, j’ai pleuré, j’ai crié. Les larmes et les cris m’ont pris beaucoup de temps. La torture du temps perdu, dès que j’y réfléchi… Je ne peux pas réfléchir longtemps mais je peux me complaire sur une feuille de salade fanée où je n’ai que des regrets à remâcher. J’aurais voulu naître statue, je suis une limace sous mon fumier. Les vertus, les qualités, le courage, la méditation, la culture, bras croisés, je me suis brisée à ces mots là.

De Violette Leduc, je n’avais lu auparavant que Thérèse et Isabelle, brève histoire érotique entre deux collégiennes. J’avais surtout envie de découvrir son autobiographie, dont on me disait beaucoup de bien. Finalement ? C’est très bien oui… mais alors, qu’est-ce que c’est dur !
Il n’y a pas de violence physique (ou très peu) mais niveau psychologique, c’est assez terrible. L’autrice semble se haïr sans limites et ne s’épargne rien : chacun de ses défauts, chacune de ses erreurs sont exposées de façon froide, presque clinique, qui la fait paraître presque monstrueuse par moments. Elle ne tait rien de ses lâchetés, rien de ses mesquineries et de ses pensées inavouables et n’est pas plus tendre avec son physique, qu’elle déteste plus que tout. Elle détruit tout sur son passage, ses amours sont rarement heureux et ses amitiés ne durent pas toujours.
Bref, Violette Leduc est absolument impitoyable envers elle-même et ça m’a mise parfois assez mal à l’aise. En plus de ça, le style est parfois un peu éclaté : elle part dans tous les sens et certains passages peuvent être difficile à suivre. L’écriture est toutefois très belle, avec certains des plus beaux passages que j’ai lu cette année : si je n’avais pas emprunté le roman à la bibliothèque, j’en aurais probablement corné de nombreuses pages !
C’est donc un très beau texte, mais difficile à la fois d’accès et pour la violence de sa franchise. Je ne le conseillerais pas à tout le monde, mais les téméraires de la littérature y trouveront, je l’espère, leur compte comme je l’ai trouvé !

porte.pngLa Porte – Magda Szabó (1987)

L’histoire de la relation entre la narratrice, écrivaine, et sa domestique, Emerence. On y apprend dès les premiers mots que cette dernière est morte par la faute de l’autrice.

Aujourd’hui, je sais ce que j’ignorais alors, l’affection ne peut s’exprimer de manière apprise, canalisée, articulée, et je n’ai pas le droit d’en déterminer la forme à la place de quelqu’un d’autre.

On passe en Hongrie à présent, avec un roman assez terrible sur une relation… plutôt particulière. Emerance et la narratrice ont une dynamique assez étrange, entre dépendance et affection, et c’est quelque chose de difficile à décrire. C’est assez fascinant à suivre, même si ça met quelquefois très mal à l’aise. J’ai passé le roman à changer ma manière de voir les choses et j’ai été très émue par l’ensemble du texte. C’est en plus simple et fluide à lire, un vrai coup de cœur plutôt difficile à décrire ; je l’ai lu avec mes émotions plus que ma raison et je vais donc rester brève.

guerre.pngLa guerre n’a pas un visage de femme – Svetlana Alexievitch (1985)

Recueil de témoignages d’anciennes femmes de l’armée russe, des combattantes aux infirmières en passant par les mécaniciennes et les cuisinières.

Et vous pensez que la vérité, vous allez la trouver dans la vie ? Dans la rue ? Sous vos pieds ? Pour vous, elle est aussi basse que ça ? Aussi terre-à-terre ? Non, la vérité, c’est ce dont nous rêvons. Ce que nous voulons être !

La caution non-fiction de ce bilan ! Ce n’est pas la première fois que je lis Svetlana Alexievitch et que j’en parle sur le blog (lors d’un bilan mensuel, et à l’occasion de mon article sur les Nobel de littérature). Les essais de l’autrice sont avant tout des recueils de témoignages : La Supplication sur Tchernobyl, La Fin de l’homme rouge autour de l’URSS, sa chute et la Russie actuelle, La guerre n’a pas un visage de femme sur la Seconde Guerre mondiale. Comme à chaque fois, ce sont des textes très durs. L’accumulation de témoignages peut être un peu étouffante, mais donne surtout une vision de l’Histoire que l’on a rarement. La guerre n’a pas un visage de femme est peut-être celui qui m’a le moins bouleversée, probablement parce que c’est le sujet que je connaissais le mieux ; mais il est rarement abordé du point de vue des femmes que ça en fait un document absolument passionnant !
Comme ses deux autres essais, j’ai trouvé celui-ci très bon… mais peut-être était-il juste trop court pour me marquer profondément, ou bien j’en attendais trop, mais je ne peux m’empêcher d’être un tout petit peu déçue. Si vous souhaitez la découvrir, je vous conseille ardemment La fin de l’homme rouge !

chocolat.pngChocolat amer – Laura Esquivel (1989)

L’histoire des amours contrariées entre Tita et Pedro : Tita est forcée par la tradition familiale de rester aux côtés de sa mère jusqu’à son décès, Pedro se marie à la sœur de sa jeune fille, ce qui n’est pas une aussi bonne idée que ça ne lui semblait (no shit, sherlock).
Chaque chapitre est inauguré par la recette que cuisinera Tita, et ces plats auront des effets parfois presque magiques.

Elle tourna la tête et ses yeux croisèrent ceux de Pedro. Elle comprit ce que ressentait un beignet au contact de l’huile bouillante.

Le petit ajout inattendu, emprunté à la bibliothèque suite à mon coup de cœur pour La maison aux esprits !
C’est à nouveau du réalisme magique, donc, qui nous vient cette fois du Mexique (un pays dont je ne crois pas avoir déjà lu de roman avant). La forme est plus originale que dans le roman d’Isabel Allende, mais le fond est nettement moins surprenant : c’est une histoire d’amour maudit qui se concentre vraiment sur les deux protagonistes principaux, en faisant une lecture agréable mais qui m’a moins marquée. Pedro, le « héros », m’a en plus insupportée tout du long. C’était la même chose avec le protagoniste principal de La Maison aux esprits mais j’ai eu le sentiment que le traitement est très différent entre les deux livres, Pedro étant beaucoup plus premier degré (et moins central également, ce qui fait qu’on ne voit jamais vraiment ses qualités).
Bref, j’ai apprécié Chocolat amer… mais je ne pense pas en garder un souvenir impérissable. Il n’empêche, ça fait un deuxième roman du réalisme magique que je lis avec plaisir et sans m’ennuyer, une victoire en soit !

Un classique :

gosta.pngLa légende de Gösta Berling – Selma Lagerlöf (1891)

Le pasteur d’un petit village est chassé de son presbytère après avoir fait subir les affres de son alcoolisme à ses ouailles. Il est recueilli par la Commandante d’Ekeby, gérante de forges et patronne de Cavaliers bons vivants.

Mais avez-vous jamais observé un enfant qui, sur les genoux de sa mère, écoute des contes ? Tant qu’on lui parle de géants cruels et de princesses dolentes, l’enfant tient ses yeux grands ouverts ; mais, dès qu’il s’agit de bonheur et de soleil, le petit ferme les paupières et s’endort doucement, la tête blottie dans le sein maternel. Je suis cet enfant. À d’autres les charmantes histoires ! Je préfère les nuits hantées, les âpres destinées et les passions qui remplissent d’ombre les cœurs sauvages.

Bon, celui-là me fait le plus de peine. Je m’attendais vraiment à l’aimer : certains passages sont à la fois drôles et enchanteurs, il y a une atmosphère de conte qui surplombe le récit, c’est un classique suédois, le résumé promettait aventures et drames et c’est ce qu’on retrouve… mais je me suis dans l’ensemble sacrément ennuyée, à peine réveillée par quelques sursauts d’intérêts. Et honnêtement, je ne saurais même pas dire pourquoi. Le style n’est pas particulièrement complexe (pas non plus très moderne, mais le roman a plus d’un siècle), le personnage de la Commandante me plaisait bien et il y a plein de petites légendes incorporées. Mais je me suis ennuyée. Et je n’ai pas grand chose à en dire. Voilà.
Tant pis !


Et vous, avez-vous tenté le défi ?
Connaissiez-vous ces livres, et avez vous des écrivaines européennes ou sud-américaines à conseiller ?

4 réflexions sur “Autour du monde, elles écrivent – Bilan de l’automne

  1. J’avais déjà suivi ton appréciation de « La maison aux esprits », donc je ne suis pas surprise par ton commentaire, héhé.

    Tu l’avais déjà dit pour « La bâtarde » de Violette Leduc, mais ça ne fait que me confirmer que ce n’est pas pour moi, surtout en ce moment ! Je ne suis pas sûre de pouvoir supporter ce genre de violence.

    Pour « La guerre n’a pas un visage de femme », c’est pas que je m’y connais pas sur le sujet, mais assez vaguement, donc je sais que l’autrice va encore m’éblouir quand je le lirai !

    En tout cas, c’est un sacré bilan ! Je devrais faire un truc comme ça aussi, mais j’ai un autre challenge qui m’attend l’année prochaine…

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  2. Bien heureuse que tu aies enfin pu apprécier le réalisme magique! Tu m’as donné envie de relire La maison aux esprits 😀 Tu as raison pour Chocolat amer: l’histoire d’amour en elle-même est finalement assez classique, Pédro ne mérite absolument pas Tita, mais j’ai vraiment adoré la forme, l’intervention du merveilleux à chaque instant ou presque, les qqs éléments de la révolution mexicaine… 🙂

    La porte… en effet, un vrai yoyo émotionnel! Je ne suis toujours pas sûre de savoir ce que j’en pense.

    Svetlana Alexievitch: j’ai lu L’homme rouge dans le cadre du challenge (j’en parle sur Explo) et je ne m’attendais pas du tout à ça. Moi qui habituellement ne jure que par les romans, je pourrai bien revoir mon jugement pour cette autrice. Je me laisserai bien tenter par La supplication ou Derniers témoins (enfin, après qqs dizaines de feel good books, histoire de me remettre un peu d’abord! 😉 )

    Aimé par 1 personne

    • Comme quoi, tu m’as fait changer d’avis sur le réalisme magique, je te fais changer d’avis (un peu) sur les essais ? 😀
      Mais oui, Svetlana c’est assez incroyable, et je pense que l’homme rouge est celui que j’ai préféré (il est tellement… grand !) Mais clairement, les feel good books sont indispensables, faut pas enchaîner deux Svetlana 😀

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